2 décembre 2025

SMIC en Suisse Un record mondial mais des inégalités criantes

SMIC en Suisse : un record mondial mais une réalité inégale

Contrairement à de nombreux pays européens qui ont instauré un salaire minimum national, la Suisse adopte une approche décentralisée. Seuls cinq cantons ont légiféré pour fixer un seuil minimum, ce qui crée d’importantes disparités sur le territoire. Cette mosaïque salariale reflète le fédéralisme suisse, mais soulève des questions sur l’équité entre les travailleurs selon leur lieu d’emploi.

Une politique salariale régionale et ses enjeux

Depuis plusieurs années, le débat sur le salaire minimum en Suisse est vif. En 2014, une initiative populaire visant à instaurer un salaire minimum national de 22 francs suisses de l’heure (environ 4 000 CHF brut par mois pour une semaine de 42 heures) a été rejetée par 76,3 % des électeurs. Ce seuil aurait été le plus élevé au monde à l’époque. Les opposants, notamment le patronat, la droite politique, le Conseil fédéral et le Parlement, craignaient une menace pour l’emploi et la compétitivité. Ils ont aussi rappelé que certains secteurs avaient déjà des salaires minimums fixés par des accords collectifs.

Les cantons en tête

Genève en pole position

Après l’échec de l’initiative fédérale, plusieurs cantons ont décidé de légiférer. Neuchâtel a été le premier en 2017, suite à une votation cantonale validée par le Tribunal fédéral. Aujourd’hui, Genève possède le seuil le plus élevé, fixé à 24,48 CHF de l’heure depuis le 1er janvier 2025. Ce montant, indexé sur l’indice des prix, équivaut à environ 4 455 CHF bruts mensuels. Certaines dérogations s’appliquent notamment dans l’agriculture et la floriculture cantonale.

Un panorama des autres cantons actifs

Neuchâtel applique un salaire minimum de 21,31 CHF de l’heure (environ 3 882 CHF par mois), contre 21,09 CHF en 2024. Le Jura maintient son seuil à 21,40 CHF, fixé depuis juillet 2024. Bâle-Ville, premier canton germanophone à légiférer, a porté son seuil à 22 CHF en 2025, soit environ 4 004 CHF par mois. Enfin, le Tessin, qui avait historiquement un niveau plus bas, a introduit en juillet 2025 deux paliers selon la qualification professionnelle, dans le cadre d’un accord tripartite.

Les autres mécanismes de régulation salariale

Le rôle des conventions collectives

Dans les régions sans salaire minimum législatif, les conventions collectives de travail (CCT) jouent un rôle clé. Signées entre syndicats et employeurs, elles fixent souvent des salaires minimums supérieurs aux seuils cantonaux, notamment pour les métiers qualifiés. Par exemple, dans la construction, un professionnel qualifié peut toucher jusqu’à 34,85 CHF de l’heure, et dans l’industrie horlogère, le minimum mensuel peut atteindre 5 878 CHF. Certaines CCT ont un champ d’application général, s’imposant à toutes les entreprises du secteur.

Les exclusions et dérogations

Les salaires minimums ne concernent pas tous les métiers. Les exclusions fréquentes concernent notamment les moins de 18 ans, les apprentis, les stagiaires, les bénévoles, ou encore les personnes en insertion sociale ou en chômage. Ces dérogations visent à préserver la flexibilité du système de formation et à favoriser l’intégration des jeunes. Dans les cantons sans seuil fixé par la loi, les CCT restent souvent la seule régulation en vigueur.

Le phénomène des travailleurs pauvres

La mise en place de salaires minimums vise aussi à lutter contre le phénomène des « working poor », ces personnes qui travaillent mais vivent sous le seuil de pauvreté. En 2023, on comptait 708 000 personnes en dessous de ce seuil en Suisse, dont environ 336 000 étaient des travailleurs pauvres. Leur proportion est passée de 3,8 % à 4,4 % entre 2022 et 2023. Les groupes les plus touchés sont les familles monoparentales, les personnes sans formation post-obligatoire, et les femmes occupant des emplois précaires.

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