« On attend aujourd’hui du couple qu’il nous sécurise totalement. Mais c’est un poids énorme, que personne ne peut porter ».
La peur n’évite pas le danger mais c’est plus facile à dire qu’à surmonter. En amour, la peur d’être quitté peut se transformer en angoisse profonde et venir parasiter les relations amoureuses les plus solides, jusqu’à faire vaciller la confiance ou l’élan amoureux. Mais cette peur de l’abandon ne surgit pas par hasard. Elle a souvent des racines profondes, enfouies dans l’enfance ou dans des histoires passées. « Elle s’ancre dans une blessure affective plus ancienne, un sentiment d’insécurité qui remonte parfois à la relation avec les parents, ou à des ruptures douloureuses vécues plus tard », nous explique Virginie Clarenc, thérapeute et sexologue.
Et plus ces ruptures ont été imprévues et/ou brutales, plus cette peur s’installe durablement. Résultat : on développe des stratégies pour éviter la douleur à tout prix. Cela peut se traduire par une hypervigilance, un besoin de contrôle, une dépendance affective, ou au contraire par un effacement de soi. « On s’accroche, on essaie de tout contrôler… ou on s’oublie complètement pour ne pas perdre l’amour », observe la thérapeute. Pourtant, cette peur ne protège pas la relation. Elle l’étouffe. Elle empêche l’authenticité, crée de la tension, et finit souvent par provoquer ce qu’on redoutait tant : la rupture.
Ce que Virginie Clarenc travaille avec ses patientes et patients, ce n’est pas la garantie qu’on ne sera jamais quitté — car cela n’existe pas. C’est la capacité à traverser cette éventualité sans s’effondrer. « L’objectif, c’est de se sentir complet, digne d’amour, même si l’autre s’en va. » Cette sécurité ne se construit pas à l’extérieur, mais à l’intérieur de soi. Elle repose sur l’estime de soi, sur la conscience de sa valeur, et sur la possibilité d’aimer sans se perdre. La thérapeute s’appuie notamment sur les théories de l’attachement développées par John Bowlby ou Bartholomew et Horowitz, qui montrent comment nos premières expériences relationnelles influencent notre manière d’aimer à l’âge adulte. Elle souligne aussi l’importance de remettre en question les attentes contemporaines vis-à-vis du couple. « Comme le dit très bien Esther Perel, on attend aujourd’hui du couple qu’il nous sécurise totalement. Mais c’est un poids énorme, que personne ne peut porter. »
Source : Journal des femmes
9binvd